Les 5 tendances des technologies en santé : Leçons du HIMSS16

Chaque année, le Healthcare Information Management Systems Society (HIMSS)1 tient une conférence qui porte sur les derniers développements et les tendances dans le monde des technologies de la santé. Avec plus de 40 000 professionnels de la santé ainsi que plusieurs représentants et fournisseurs, il s’agit de la plus grande et la plus importante conférence sur les technologies de l’information dans le domaine de la santé en Amérique du Nord.

Cette année, la conférence a eu lieu au cours de la première semaine de mars à Las Vegas. Avec plus de 1 300 exposants et plus de 300 séances de formation, ce fut 5 jours bien remplis.

Voici les cinq plus grandes tendances et les éléments clés du HIMSS16 à retenir.

1. L’interopérabilité est plus qu’un mot à la mode

L’objectif le plus flou en technologies de l’information en santé, l’interopérabilité, était sur toutes les lèvres. Au coeur de l’interopérabilité se trouvent le partage et l’analyse des données entre différents systèmes et appareils. Cela s’applique non seulement aux organisations hospitalières qui cherchent à comprendre comment leurs différents DMÉ (dossier médical électronique) peuvent se parler entre eux ou aux nouvelles entreprises qui tentent de résoudre les problèmes de santé avec les données des DMÉ, mais aussi au niveau du gouvernement.

Le HIMSS16 a débuté avec une ambiance motivante et une promesse de la part de toute l'industrie envers l’interopérabilité. La secrétaire du ministère de la Santé et des Services sociaux (HHS), Sylvia Burwell, a annoncé que l'industrie de la santé s’engageait à améliorer l'interopérabilité entre tous les DMÉ et les systèmes de soins de santé.

https://twitter.com/HealthITNews/status/711598501927526401

La promesse a été signé par 90 % des fournisseurs de DMÉ de l'industrie, cinq des plus grands systèmes de soins de santé américains et de nombreuses organisations professionnelles. L'objectif est d'améliorer l'accès des consommateurs aux données médicales, d'éliminer le blocage intentionnel des données et de mettre en œuvre les normes fédérales en matière d'interopérabilité.

2. L’initiative FHIR prend de l’ampleur

Un engagement envers l'interopérabilité ne suffit pas. L'industrie doit se concerter pour élaborer des normes et trouver des moyens novateurs de partager les données. D’ailleurs, le fait que le mouvement FHIR prend de l'ampleur est un bon signe. Il s’agissait d’un des sujets les plus populaires à la conférence si on se fie au nombre de sessions et le manque de places pour y assister.

La FHIR est la plus récente norme sur les données de la HL7 healthcare standards organization, une organisation qui vise à poser des normes pour les formats et les éléments des données ainsi qu’une interface de programmation d’application (API) pour l'échange de DMÉ. Elle est construite sur les normes déjà existantes, mais intègre une plateforme technologique à architecture ouverte pour rendre l’implantation de ces normes plus facile. Enfin, l'industrie est en train de rattraper les plus récentes technologies adoptées par les « start ups » d’aujourd’hui.

L’API comprend un protocole RESTful basé sur le standard HTTP, HTML et CSS pour l’intégration de l’interface utilisateur, JSON/XML pour la représentation de données, OAuth pour les autorisations et Atom pour les résultats. La FHIR peut s’utiliser dans plusieurs contextes : applications mobiles, communications infonuagiques, partage de données basées sur un DMÉ, communication serveur pour les grands fournisseurs de services de santé et plus encore.

Cependant, le défi n’est pas d’ordre technologique, mais est plutôt au niveau de l'adoption et de l’implantation. Nous pouvons toutefois percevoir quelques signes que l’industrie va dans la bonne direction. En 2014, le comité en matière de politiques et de normes des technologies de l’information en santé aux États-Unis a approuvé les recommandations pour rendre publiques le plus d'API, démontrant ainsi son accord et son soutien. Ce qui a surpris plusieurs personnes est le soutien et la collaboration de l’industrie considérant que tous les DMÉ prennent déjà part au projet Argonaut, un groupe de travail de l’industrie médicale pour établir des normes pour rendre les API publiques. C’est une première pour l'industrie. Cela contribue certainement à l'optimisme derrière l’initiative FHIR.

Bien que les organisations et les entreprises à la tête de cette initiative soient basées aux États-Unis, l’idée a fait son chemin à travers le monde, y compris au Canada. James Agnew, par exemple, un architecte de l’Université Health Network (UHN) à Toronto, est un grand partisan des technologies ouvertes dans les soins de la santé. Il dirige le projet HAPI, une plateforme libre pour l’échange des données médicales utilisées dans des projets à travers le monde. De plus, le gouvernement de l'Ontario a commencé quelques projets pour la mise en œuvre de l’initiative FHIR dont une plateforme pour la prestation de services de santé publique, une application iOS pour la vaccination de masse et de l’échange sur l’immunisation relevant de la santé publique.

3. L’emphase est sur l’amélioration du bien-être du patient

Maintenant que nous avons les données des DMÉ, la question à se poser est comment en tirer profit pour améliorer le bien-être du patient? La certification américaine Meaningful Use vise à résoudre ce problème à l’aide d’incitatifs financiers pour les organismes de santé. Les phases 1 et 2 sont axées sur la capacité accrue de la technologie du DMÉ. La phase 3, quant à elle, met l'accent sur les améliorations au niveau de la qualité des soins, la sécurité et l’aide à la décision pour des problèmes de santé prioritaires tels que l'obésité et le diabète. Cela améliore la santé de la population dans son ensemble tout en favorisant la participation du patient. Enfin, passer d'un modèle payant ou orienté services à un modèle axé sur les résultats permet aux fournisseurs de se concentrer sur le continuum de soins.

Guidés par ces normes, les principaux fournisseurs de DMÉ ajoutent de nouveaux modules pour se conformer et nous assistons aussi à l’émergence de nouvelles entreprises. Ces nouveaux systèmes analytiques, d’abord conçu pour le mobile, se concentrent sur l'intégration des données des DMÉ pour résoudre des problèmes spécifiques de santé de la population et pour collaborer avec les patients. Les premiers succès de pilotes pour ces initiatives ont été présentés à la conférence HIMSS16 sous la forme d'études de cas de différents fournisseurs. Voici quelques exemples :

  • Le centre médical de San Mateo a présenté son application mobile qui a comme objectif d’aider le patient à se préparer pour une coloscopie.
  • Microsoft et GE se sont associés et ont lancé Caradigm, une entreprise axée sur la santé. Cette dernière a développée une plateforme ouverte et des applications cliniques collaboratives.
  • Salesforce a fait son entrée sur le marché avec le lancement d’une application de gestion de la relation patient qui vient compléter les DMÉ.

Un directeur des systèmes d’information dans le domaine de la santé écrivait récemment dans son blogue :

L'année dernière, les conversations au sujet de la santé publique portaient sur la maximisation des revenus pour les organisations. Maintenant, les conversations portent sur l'identification et la gestion des groupes de patients à partir des données qu’ils génèrent. Les meilleures considérations s’alignaient très bien avec les nôtres. Le modèle où un DMÉ central comble l’écart entre l’opérationnel et l’analyse des données est la meilleure façon de faire. L’approche où les bases de données fonctionnent en vase clos tend à disparaître.

4. En plaçant le patient au centre, la communication et la coordination des soins deviennent la clé

Un sondage demandant quelle était la plus grande préoccupation à propos de la communication a révélé que l'intégration des DMÉ et la communication de l'équipe de soins étaient les priorités absolues. Alors que les hôpitaux sont de plus en plus gros et que les organisations de soins de santé se déploient sur plusieurs sites et utilisent de différents systèmes technologiques, la communication entre cliniciens se fait plus difficile. Ainsi, de nombreuses organisations se concentrent sur la coordination des activités et du personnel afin d’utiliser les ressources plus efficacement.

Voici quelques façons d’utiliser la technologie pour faciliter la coordination des soins :

  • Travailler à partir de l'information déjà présente dans divers systèmes pour identifier les patients qui pourraient bénéficier le plus de la coordination des soins.
  • Utiliser des tableaux de bord pour organiser et afficher les données du patient d'une manière plus conviviale.
  • Partager de la documentation des activités à travers les systèmes pour permettre aux différentes équipes de collaborer pour les soins de chacun des patients.
  • Utiliser des outils de communication en temps réel pour aider les membres de l'équipe de soins à communiquer entre eux et avec les patients.
  • Établir des communautés, des portails ou des registres pour fournir des ressources aux patients et aux équipes de soins.

Par exemple, l'hôpital presbytérien de New York a présenté une étude de cas sur un projet pilote portant sur la communication et la collaboration au sein d’un de ses établissements. Avec les objectifs d’améliorer la sécurité des patients, la productivité du personnel et la coordination des soins, le projet pilote a testé un dispositif unique pour gérer le flux de travail et la communication de toute l'équipe : médecins, infirmiers, assistants et techniciens. Le projet pilote a contribué à l’amélioration des résultats. Il est intéressant de noter les types de messages envoyés entre les membres de l'équipe de soins : 50 % sont des confirmations, 40 % sont liés au soutien social, et 10 % sont connexes aux tâches et aux questions.

5. Confidentialité et sécurité - la nécessité de protéger les données des patients est bien réelle

Les dirigeants des technologies de l’information dans le domaine de la santé avaient un véritable sentiment d'urgence quant aux questions de sécurité des données et des réseaux. Les récents piratages de données à grande échelle et la croissance de l'interopérabilité dans l'industrie des soins de la santé ont fait en sorte que la cybersécurité est la priorité de tous les grands hôpitaux et les fabricants d’appareils médicaux.

En 2015, les infractions portant sur l’information privée des patients ont affecté 113 millions de patients et les amendes gouvernementales sont de plus en plus coûteuses. La conformité aux normes de HIPAA était, auparavant, un élément à cocher sur une liste. Aujourd’hui, avec l'augmentation des infractions, la conformité est le strict minimum. Une sécurité supplémentaire doit être appliquée pour veiller à ce que les informations d'un patient restent privées.

Ainsi, la nécessité d'une messagerie sécurisée à l’échelle de l'hôpital est évidente. C’est un secret bien connu dans l'industrie que les médecins s’échangent des messages texte contenant de l'information à propos de leurs patients. Il y a donc un véritable besoin de la part des hôpitaux de fournir une plateforme de communication par messagerie sécurisée aux médecins et de mettre fin aux échanges par SMS. L'application permettrait aux médecins de communiquer entre eux en temps réel, peu importe où ils travaillent. La meilleure façon de favoriser l’utilisation d’une application est d’en démontrer les bénéfices. L’application doit pouvoir s’intégrer au système présentement utilisé par le personnel et renforcer les processus en place.

1http://www.himss.org